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Astà (Jon Kalman Stefansson)
Et pour les fendre, il les fend ! Il les ouvre. Violemment. Écarte les cieux, déchire les astres ; Il les éclaire, puis les piétine. Il les transperce puis s’y égare.
Nous voilà embarqués dans une saga superbe, au cœur de l’Islande d’hier et d’aujourd’hui, entrainés dans une histoire sans début et sans fin, bouleversante et terrible.
Celle d’Astà et de Jòsef, celle de Sigvaldi et d’Helga, celle de l’écrivain, de la nourrice, celle de ces hommes et de ces femmes qui nous disent tout. Vite, urgemment. Ils nous disent tout de l’amour et surtout, de l’impossibilité d’aimer.
Jòn Kalman Stefànsson enjambe les époques et les pays, il se moque de notre confort, refuse de nous mettre à l’aise entre ses mots, se joue de notre tranquillité et de notre goût pour la continuité. Ce goût qui nous rassure en nous donnant l’illusion que la vie a un sens.
Ici, la vie n’a aucun sens. Ou en a trop. C’est selon. La vie d’Astà, dont le prénom signifie amour en islandais, à une lettre près, n’a pas tenu sa promesse de bonheur.
C’est ce que pense son père, Sigvaldi, qui, après être tombé d’une échelle, se remémore toute son existence. Des bribes, des souvenirs enchevêtrés qui en appellent d’autres. Qui s’entrecroisent et s’emmêlent, se lient avec des lettres envoyées par Astà à son amour d’antan, celui dont l’absence la tue à petit feu. Avec les considérations de l’écrivain, sans cesse interrompu. Avec des chapitres posés et perdus. Enfin pas vraiment, on s’en doute.
Ce roman est inracontable et pourtant. Lisez-le ! Il vaut la peine ! Lisez cette fresque islandaise douloureuse et mouvementée, cette épopée familiale terrassée par l’amour et le désespoir. Lisez-le avec patience aussi, car vous ne comprendrez pas tout tout de suite. Il vous faudra du temps pour apprivoiser cette écriture sublime et heurtée, il vous faudra accepter de ne pas savoir. De vous laisser porter. Astà viendra jusqu’à vous, à son rythme, et vous laissera un petit quelque chose dans le cœur qui vous interrogera : serais-je encore capable de lire quelque chose d’autre après ce roman ?
Vous avez sous les yeux quelques 490 pages de pure poésie. De celle qui ne rime pas mais vous touche pour des raisons aussi sombres que les ténèbres islandaises, une fois l’été passé. Une poésie de la vie de tous les jours qui vous prend à la gorge et vous empêche de déglutir, qui vous encrasse les poumons de sa superbe réalité, qui vous donne l’impression d’avoir grandi un peu. Beaucoup. Passionnément.
On pourrait en lire mille, deux-mille des pages comme celles-là, épurées, touchant au sublime. Pas une ombre au tableau. L’envoutante logique narrative magnifie le tout, rendant l’histoire aussi impalpable que juste et sensible. Si humaine. On s’y croirait. On se met à vivre avec les personnages, vibrer avec eux, pleurer un peu aussi. On garde avec délectation sous la langue leur petit goût d’éternité. On les comprend et on leur pardonne tout. Les fautes et les non-dits, les crimes et les adieux.
Louise
Pour voir ce roman dans le catalogue en ligne : Astà