Coup de coeur 🧡
Le coeur cousu (Carole Martinez)
« Écoutez, mes soeurs ! Écoutez cette rumeur qui emplit la nuit ! Écoutez… le bruit des mères ! Des choses sacrées se murmurent dans l’ombre des cuisines. Au fond des vieilles casseroles, dans des odeurs d’épices, magie et recette se côtoient. Les douleurs muettes de nos mères leur ont bâillonné le coeur. Leurs plaintes sont passées dans les soupes : larmes de lait, de sang, larmes épicées, saveurs salées, sucrées. Onctueuses larmes au palais des hommes ! » Frasquita Carasco a dans son village du sud de l’Espagne une réputation de magicienne, ou de sorcière. Ses dons se transmettent aux vêtements qu’elle coud, aux objets qu’elle brode : les fleurs de tissu créées pour une robe de mariée sont tellement vivantes qu’elles faneront sous le regard jaloux des villageoises ; un éventail reproduit avec une telle perfection les ailes d’un papillon qu’il s’envolera par la fenêtre ; le coeur de soie qu’elle cache sous le vêtement de la Madone menée en procession semble palpiter miraculeusement… Frasquita a été jouée et perdue par son mari lors d’un combat de coqs. Réprouvée par le village pour cet adultère, la voilà condamnée à l’errance à travers l’Andalousie que les révoltes paysannes mettent à feu et à sang, suivie de ses marmots eux aussi pourvus – ou accablés – de dons surnaturels… Le roman fait alterner les passages lyriques et les anecdotes cocasses ou cruelles. Le merveilleux ici n’est jamais forcé : il s’inscrit naturellement dans le cycle tragique de la vie.
Soledad Carasco nous conte l’histoire de sa famille au fil des pages de son cahier, hérité lors d’un rituel qui se transmet de génération en génération. De mère en fille et de sœur en sœur, lorsque ces enfants deviennent femmes, un étrange coffre en bois leur est transmis qui contient pour chacune leur don.
Et cette histoire commence par la vie de Frasquita, mère de Soledad, lorsque sa propre mère lui transmet ce rituel. Son don lui est alors révélé : elle sera une prodigieuse couturière. Elle saura bien évidemment manier le fil et l’aiguille avec une grande dextérité mais surtout elle arrivera à repriser les hommes effilochés, à raccommoder les êtres et relier les âmes entre elles.
J’ai lu ce livre lors de sa sortie il y a quelques années et j’ai eu un gros coup de cœur mais sa relecture ces derniers jours m’a rappelé à quel point j’avais aimé ce conte. Car oui, la limite entre la magie et la simple description de la vie de cette famille est souvent tenue, l’extraordinaire s’immisce au fil des pages et nous plonge comme dans un rêve. L’écriture est poétique et nous emmène très loin par moment. On est pris par ce rythme parfois très lent du sud, de la chaleur et de la poussière puis de l’accélération des situations incroyables que vit cette famille hors du commun.
Une famille où les femmes ont un don.
Laissez-vous emmener par Soledad, suivez le fil magique de sa mère et plongez-vous dans le merveilleux !
Sarah
Pour voir ce roman dans le catalogue en ligne : Le coeur cousu