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Né d’aucune femme (Franck Bouysse)

« Mon père, on va bientôt vous demander de bénir le corps d’une femme à l’asile. – Et alors, qu’y a-t-il d’extraordinaire à cela ? demandai-je. – Sous sa robe, c’est là que je les ai cachés. – De quoi parlez-vous ? – Les cahiers… Ceux de Rose ». Ainsi sortent de l’ombre les cahiers de Rose, ceux dans lesquels elle a raconté son histoire, cherchant à briser le secret dont on voulait couvrir son destin. Franck Bouysse, lauréat de plus de dix prix littéraires, confirme dans ce roman sensible et poignant son immense talent à conter les failles et les grandeurs de l’âme humaine.
Les mots peuvent brûler.
Enflammer un cœur, embraser une âme, comme un vulgaire bout de papier.
Ravager un corps, le réduire en cendres, et leur donner des ailes pour se voir dispersées.
Mais souvent, les mots ne suffisent pas, ils sont trop petits, trop sages. La réalité elle, semble démesurée, dure, sauvage. Alors on ne dit pas. On tait.
Et dans ce silence germe la mort. Indiscutable.

Parfois pourtant, sous la plume des grands, l’inénarrable prend corps. Ses os se couvrent de chair, ils s’échafaudent en mots et se vêtent de sigles.
Le silence alors s’emplit de bruits.
L’inracontable peut désormais trouver une voix.
Franck Bouysse compte parmi ces grands. Ces très grands.
Et cette histoire, parmi celles qu’on croit ne pouvoir raconter, l’horreur sachant trop souvent se passer de mots.

Il est difficile d’en faire un résumé convaincant sans en déflorer l’histoire, alors peut-être devrait-on se contenter de dire que Franck Bouysse nous parle du long chapelet de ronces que fut la vie de Rose, par le prisme de carnets rédigés lorsque celle-ci était à l’asile. Nul besoin d’aller plus loin. Comme nous et comme nombre de lecteurs à ce jour, vous serez pris à la gorge dès les premières pages. Et il y a de grandes chances que vous ne puissiez relever les yeux du livre avant de l’avoir terminé, hagard, sonné.

Ce roman relève de la perfection. L’écriture de Franck Bouysse de la magie. Il nous livre un roman captivant, addictif, obsédant ; il nous emporte et ne nous laisse aucune échappatoire. Parfois, lorsque l’on se retrouve face à un roman peu réjouissant, on le qualifie de « noir ». Ici, l’épithète prend tout son sens. Né d’aucune femme, c’est l’absence totale de lumière. Alors que l’on a déjà le souffle coupé et le ventre serré, il nous assène un nouveau coup sur le plexus nous force à continuer la lecture.

La noirceur ici, n’est cependant pas dénuée de beauté. La langue de Bouysse, inimitable, se glisse à la perfection sous la plume de Rose, dans sa prose, avec ses mots. Les mots d’une jeune fille de 14 ans à qui l’inimaginable arrive. Des mots d’une force démesurée. A mesure qu’avec elle, nous sombrons dans des abysses de cruauté, les phrases s’emplissent d’une musique lancinante qui nous prend à la gorge et dont on appelle la fin de nos vœux. Cette beauté conjuguée au pluriel donne naissance à un roman rare, sublime et puissant dont on ne sort pas indemne.

Louise

Pour voir ce roman dans le catalogue en ligne : Né d’aucune femme

Animation bibliothèque 31.05.17